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Avertissement : cet article étant publié le 1er avril 2020 il est à appréhender en l’état du droit positif à cette date.

Dans son allocution du 16 mars 2020, le Président de la République annonçait : la « suspension des factures d'eau, de gaz ou d'électricité ainsi que des loyers ».

S’agissant des loyers commerciaux, le Législateur a cependant opté pour une solution différente, puisque l’Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 « relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de covid-19 », dispose en son article 4 :

« Les personnes mentionnées à l'article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce.

Les dispositions ci-dessus s'appliquent aux loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée ».

Plutôt qu’une suspension ou un report, il s’est donc agi de neutraliser les sanctions contractuelles attachées à l’absence de paiement des loyers et charges locatives échus à compter du 12 mars 2020 et pour la période mentionnée ci-dessus.

Faut-il d’ailleurs comprendre que l’on a ainsi entendu exclure les outils juridiques de droit commun permettant aux Preneurs de remettre en cause le principe desdites créances (exception d’inexécution, force majeure, révision pour imprévision) ?

Une lecture rigoriste du texte conduirait effectivement à affirmer que nonobstant l’absence de sanctions attachées à leur absence de paiement, les sommes n’en demeurent pas moins dues, selon le Législateur.

Gageons toutefois - peut-être à juste titre - que les Preneurs n’en seront nullement découragés, et il est fort probable qu’un important contentieux naisse tant de cette incertitude, que des doutes intrinsèquement attachés auxdits moyens de défense.

A titre d’exemple, une attention particulière devra être portée quant au sort de l’argument tiré de la force majeure, lorsque l’on sait que la Cour de cassation a jugé que « le débiteur d'une obligation contractuelle de somme d'argent inexécutée ne [pouvait] s'exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure » (Cass. com. 16 septembre 2014, n° 13-20306).

Quant aux critères d’éligibilité, une évolution notable est à constater puisque dans un premier temps, la « loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 » a autorisé le Gouvernement « à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure (…) :

(…) Permettant de reporter intégralement ou d'étaler le paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d'être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des microentreprises, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique, dont l'activité est affectée par la propagation de l’épidémie »

Or, pour mémoire, les microentreprises sont ainsi définies par le décret précité de 2008 :

« La catégorie des microentreprises est constituée des entreprises qui :
- d'une part occupent moins de 10 personnes ;
- d'autre part ont un chiffre d'affaires annuel ou un total de bilan n'excédant pas 2 millions d’euros ».

Ensuite, l’Ordonnance précitée 2020-316 du 25 mars 2020 a précisé en son article 1er que pouvaient bénéficier de cette mesure, les personnes physiques ou morales de droit privé qui étaient « susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 susvisée ».

Or, ce texte renvoie à un décret qui se trouve être paru le 30 mars 2020 (JORF n°0078).

Au sens de l’article 1er du « Décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation », sont ainsi éligibles les :

« personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, ci-après désignées par le mot : « entreprises », remplissant les conditions suivantes :
1° Elles ont débuté leur activité avant le 1er février 2020 ;
2° Elles n'ont pas déposé de déclaration de cessation de paiement au 1er mars 2020 ;
3° Leur effectif est inférieur ou égal à dix salariés. Ce seuil est calculé selon les modalités prévues par le I de l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale ;
4° Le montant de leur chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à un million d'euros. Pour les entreprises n'ayant pas encore clos d'exercice, le chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 doit être inférieur à 83 333 euros ;
5° Leur bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant, au titre de l'activité exercée, n'excède pas 60 000 euros au titre du dernier exercice clos. Pour les entreprises n'ayant pas encore clos un exercice, le bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant est établi, sous leur responsabilité, à la date du 29 février 2020, sur leur durée d'exploitation et ramené sur douze mois ;
6° Les personnes physiques ou, pour les personnes morales, leur dirigeant majoritaire ne sont pas titulaires, au 1er mars 2020, d'un contrat de travail à temps complet ou d'une pension de vieillesse et n'ont pas bénéficié, au cours de la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, d'indemnités journalières de sécurité sociale d'un montant supérieur à 800 euros ;
7° Elles ne sont pas contrôlées par une société commerciale au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce ;
8° Lorsqu'elles contrôlent une ou plusieurs sociétés commerciales au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, la somme des salariés, des chiffres d'affaires et des bénéfices des entités liées respectent les seuils fixés aux 3°, 4° et 5° ;
9° Elles n'étaient pas, au 31 décembre 2019, en difficulté au sens de l'article 2 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité (…).

Outre ces conditions cumulatives, l’article 2 pose les conditions alternatives suivantes :

« 1° Elles ont fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ;

2° Ou elles ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 70 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020,

- par rapport à la même période de l'année précédente ;
- ou, pour les entreprises créées après le 1er mars 2019, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 ;
- ou, pour les personnes physiques ayant bénéficié d'un congé pour maladie, accident du travail ou maternité durant la période comprise entre le 1er mars 2019 et le 31 mars 2019, ou pour les personnes morales dont le dirigeant a bénéficié d'un tel congé pendant cette période, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre le 1er avril 2019 et le 29 février 2020 ».

Dès lors, seules les personnes physiques ou morales satisfaisant à l’ensemble de ces conditions pourront bénéficier des dispositions de neutralisation des sanctions attachées à l’absence de paiement des loyers et charges, à compter du 12 mars 2020, et pour la période mentionnée ci-dessus.

 

Raphaël ARBIB
Avocat à la Cour

Raphael Arbib Avocat au Barreau du Val-de-Marne (Vincennes) au sein du Cabinet AKA Avocats, Raphaël ARBIB intervient notamment en droit des baux commerciaux, et accompagne aussi bien les Bailleurs que les Preneurs.

 

 

 

 

Mots-clés
Coronavirus / Avocat / Vincennes / Droit des affaires / bail commercial

 

 


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