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Avertissement : cet article étant publié le 23 mars 2020 il est à appréhender en l’état du droit positif à cette date.

A l’instar de nombreux domaines du droit, les baux commerciaux ne sont pas épargnés par les questionnements induits par l’épidémie de coronavirus.

Ainsi, les arrêtés du 14 mars 2020 « portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 » (JORF n°0064 du 15 mars 2020), et du 15 mars 2020 « complétant l'arrêté du 14 mars 2020 (…) » (JORF n°0065 du 16 mars 2020) ont :

- posé une interdiction générale d’« accueillir du public jusqu'au 15 avril 2020 » pour les établissements exploitant des activités limitativement énumérées (Salles d'auditions, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple, Magasins de vente et Centres commerciaux, sauf pour leurs activités de livraison et de retraits de commandes, Restaurants et débits de boissons, sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter, etc.) ;

- dressé une liste d’exceptions à cette interdiction eu égard à leur importance dans la vie de la Nation (commerce de détail de fruits et légumes en magasin spécialisé, commerce de détail de pain, pâtisserie et confiserie en magasin spécialisé, supermarchés, hypermarchés, etc.).

Il est ainsi précisé que les établissements relevant de ces exceptions « peuvent (…) continuer à recevoir du public ».

A en croire les termes de ces arrêtés, il s’agirait donc d’une simple faculté.

Mais quid des entreprises qui - extrêmement nombreuses – exploitent leur activité en vertu d’un bail commercial ?

S’agissant des Preneurs dont l’activité est de facto « neutralisée » par les arrêtés, ces derniers pourront bien évidemment se prévaloir de la notion de force majeure telle que définie par la Cour de cassation (originairement comme un événement extérieur au débiteur, imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible lors de sa survenance, avec un abandon progressif du critère d’extériorité en matière contractuelle), et pour les baux conclus ou renouvelés à compter du 1er octobre 2016, par l’article 1218 du Code civil :

« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur ». (…)

S’agissant des Preneurs qui ont conservé la possibilité d’accueillir du public, une contradiction - au moins apparente - surgit inévitablement de la nécessité de concilier deux types de stipulations classiques :

- l’obligation générale qui incombe aux Preneurs, d’ouvrir et d’achalander les lieux loués ;

- l’obligation très fréquente pour les Preneurs, d’assurer l’adaptation de leur activité aux règles d’hygiène et de sécurité.

Parmi ces dernières, l’on citera bien évidemment les « mesures dites barrières », dont l’Autorité réglementaire a elle-même indiqué que l’observation était souvent « particulièrement difficile au sein de certains établissements recevant du public ».

L’on peut aussi imaginer qu’indirectement, un bailleur puisse reprocher au locataire de manquer à son obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de ses salariés, ou plus directement, de mettre en danger les clients.

La conciliation de cette obligation peut donc s’avérer délicate avec l’obligation d’exploiter qui pèse sur le Preneur, laquelle s’évince tant de la Jurisprudence que de l’article L. 145-8 du Code de commerce.

Il faut toutefois noter que l’absence d’exploitation n’est de nature à entrainer la résiliation du bail qu’à la condition que la bail contienne une clause imposant l'exploitation effective et continue du fonds dans les lieux loués (V. par ex. : Cass. 3 e civ., 13 janv. 2015, n° 13-25.197).

A cet égard, les situations dans lesquelles des Preneurs seraient réticents à ouvrir - hors interdiction - sont appelées à se multiplier (par volonté de faire souffler les salariés, de réguler les stocks, voire même, plus trivialement, par peur de contamination ou encore par manque d’information quant à la législation en vigueur).

En réalité, l’impossibilité d’exploiter devra, pour être insusceptible de griefs, correspondre à la définition de la force majeure, telle que définie ci-dessus.

Or, en l’absence d’interdiction gouvernementale, une telle démonstration sera peu aisée, le Preneur devant démontrer l’existence de circonstances graves et indépendantes de sa volonté.

Un tel moyen a déjà prospéré en suite de la survenance de la guerre du Liban pour un organisateur de voyages au Liban, cette guerre interdisant toute relation économique avec le pays (CA Paris, 16e ch., 18 nov. 1998) ou du fait du mauvais état des lieux conséquence de la vétusté, non imputable au Preneur (CA Versailles, 19 oct. 1978 : Gaz. Pal. 1979, somm. p. 257).

Ainsi, l’insuffisance des stocks, l’absence d’une partie des salariés, ou la simple mise en œuvre du principe de précaution ne paraissent pas constitutives d’un cas de force majeure opposable au bailleur.

Dès lors, en cas de fermetures répétées et/ou prolongées pour de tels motifs, ledit Bailleur serait alors fondé, suivant les stipulations du bail :

- à faire délivrer un commandement pour inexécution des obligations locatives, avant de solliciter, en référé, l’acquisition de la clause résolutoire ;

- à poursuivre au fond, le cas échéant, la résiliation judiciaire du bail.

Il conviendra toutefois de garder à l’esprit que les Juges du fond demeurent souverains quant à l’appréciation des fautes alléguées, et que le contexte particulier sera nécessairement pris en compte, le cas échéant.

En tout état de cause, outre une rédaction particulièrement précise et rigoureuse du Bail, la communication entre les parties – y compris par la voie de leurs Avocats respectifs - est un enjeu fondamental afin d’éviter d’ajouter un contentieux judiciaire à une situation déjà fort complexe par ailleurs sur un plan sociétal.

Accessoirement l’on peut a minima espérer du Gouvernement :

- une communication gouvernementale soignée afin d’éviter les injonctions contradictoires tendant à encourager la population, d’une part, à se rendre sur son lieu de travail, et d’autre part, « dans le même temps », à rester confiné ;

- une adaptation constante de la Loi et du Règlement permettant d’éviter les zones grises…

 

Raphaël ARBIB
Avocat à la Cour

Raphael Arbib Avocat au Barreau du Val-de-Marne (Vincennes) au sein du Cabinet AKA Avocats, Raphaël ARBIB intervient notamment en droit des baux commerciaux, et accompagne aussi bien les Bailleurs que les Preneurs.

 

 

 

 

Mots-clés
Coronavirus / Avocat / Vincennes / Droit des affaires / bail commercial

 

 


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